Historique

Un débat vieux de 40 ans

De 1950 à nos jours, la demande d’électricité a été multipliée par douze dans le monde. En Belgique, la consommation d’électricité a augmenté de 80 % entre 1960 et 1995 (Bastard et al., 2000).

L’électricité facilite incontestablement notre vie quotidienne. Elle est devenue le partenaire indispensable du développement technologique de notre société moderne. Son usage génère néanmoins des champs électriques et magnétiques dans lesquels nous baignons continuellement : utilisation des appareils électroménagers, travail devant les écrans d’ordinateur, présence de nombreux systèmes de sécurité dans les grands magasins ou les aéroports, exposition aux champs des lignes à haute tension, des stations de radio ou de télévision, des téléphones portables ou de leurs stations de base.

Si le public reconnaît les avantages apportés par l’électricité, il manifeste cependant depuis une vingtaine d’années une inquiétude croissante à l’égard des effets potentiels des champs électriques et magnétiques sur la santé.

C’est en Union Soviétique, à la fin des années 60, que débutent les premières études consacrées aux effets des champs électriques et magnétiques sur la santé. Plusieurs rapports concernant l’état de santé des ouvriers responsables de l’installation et de la maintenance des lignes à haute tension mentionnent une détérioration du bien-être psychologique et physique. Ces résultats ne seront pas confirmés en Europe, au Canada ou aux Etats-Unis mais le débat n’est pas clos (Hendee & Boteler, 1994).

Cette question a été relancé aux Etats-Unis par la publication de l’étude de Wertheimer & Leeper (1979). Leurs résultats suggèrent une association entre l’exposition résidentielle aux champs magnétiques du réseau électrique et l’incidence des cancers, en particulier les leucémies chez les enfants du Colorado.

Trois ans plus tard, Milham (1982) publie dans le « New England Journal of Medicine » une lettre relatant une augmentation de la mortalité par leucémie chez les travailleurs du secteur de l’électricité de l’Etat de Washington exposés aux champs électriques et magnétiques durant leurs activités professionnelles.

Ces deux études constituent le point de départ des travaux de recherche menés sur le plan international. Depuis lors, de nombreuses études épidémiologiques ont été publiées. Lorsqu’une étude montre une incidence accrue de maladies au sein de la population vivant à proximité des lignes à haute tension ou travaillant dans le secteur électrique, elle est alors particulièrement médiatisée. De nombreux rapports concluent à l’absence d’effets sur la santé et restent souvent ignorés du public (Moulder, 2003).

Si l’approche épidémiologique fournit des résultats contradictoires, les études expérimentales, cellulaires ou animales conduisent à des résultats peu reproductibles ou non encore répliqués et ne permettent pas d’élucider les mécanismes d’interaction entre les champs électriques et magnétiques de très basse fréquences et le vivant.

Plusieurs groupes d’experts provenant de l’OMS, NIEHS, NAS et HPA ont publié des synthèses relatives aux effets des champs électriques et magnétiques 50-60 Hz sur la santé et en particulier le cancer. A ce jour, les scientifiques et les médecins s’accordent à dire que le risque, s’il existe, est faible et difficile à détecter (OMS, 2007).

D’importants programmes de recherche sont toujours en cours dans les centres de recherche du monde entier. Les orientations de recherche internationale planifiées pour la prochaine décennie privilégient les études épidémiologiques consacrées à l’association éventuelle entre l’exposition aux champs électriques et magnétiques 50-60 Hz et l’incidence des cancers ou des pathologies du système nerveux central. Les études expérimentales visent à cerner le mécanisme d’action et les effets de ces champs sur le fonctionnement biologique de la cellule et de l’animal.

La situation en Belgique

En 1987, des fermiers du sud du pays portent plainte contre les effets négatifs encourus par leur bétail vivant à proximité des lignes aériennes. Dès 1988, le Secrétariat à l’Energie charge une commission pluridisciplinaire de faire le point sur la question et conclut :  » …dans l’état actuel des connaissances, il n’y a pas de preuve d’une influence néfaste des champs électriques et d’induction magnétique générés par les lignes électriques aériennes  » (Commission interdisciplinaire d’ experts, 1990).

Conscient de l’inquiétude des populations devant le risque potentiel et invisible des champs électriques et magnétiques, le Service de la Programmation de la Politique Scientifique (SPPS) accorde en 1990 des subsides destinés au développement de la recherche scientifique dans ce domaine de la santé publique. Quatre équipes de l’Université de Liège reçoivent un crédit de trois ans pour leur programme de recherche  » Effets des champs électriques et magnétiques sur la santé « .

En 1994, le SPPS récemment intitulé  » Services Fédéraux des Affaires Scientifiques, Techniques et Culturelles  » ne renouvelle pas la convention de recherche. Désireux de poursuivre et de développer leurs travaux, les équipes liégeoises souhaitent établir des collaborations avec d’autres chercheurs belges.

En 1995, huit équipes de scientifiques francophones et néerlandophones s’associent pour créer le Belgian BioElectroMagnetics Group (BBEMG). La Belgique dispose alors d’un groupe d’experts réunissant les compétences des Universités de Bruxelles (ULB), Gent (RUG), Leuven (KUL), Liège (ULG) et d’un institut de recherche situé à Mol (VITO).

Le programme multidisciplinaire du BBEMG vise à remplir une double mission :

  • Contribuer à une meilleure compréhension des interactions entre les champs électriques et magnétiques et l’activité biologique ;
  • Créer des centres d’expertise et d’information pour le public, les scientifiques, les autorités dirigeantes et les compagnies d’électricité.

Grâce à la complémentarité des approches, des préoccupations, des méthodes, les chercheurs du BBEMG collaborent efficacement à la progression des connaissances dans ce domaine.

Les programmes de recherche du BBEMG sont réalisés grâce au support financier de la société Elia et de Electric Power Research Institute (EPRI) (projet 2017-2021) sous un statut qui respecte la liberté scientifique des équipes de recherche.

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Références

Bastard, P., Fargue, D., Laurier, P., Mathieu, B., Nicolas, M., & Roos, P. (2000). Electricité : Voyage au coeur du système. Paris : Eyrolles. (Book).

Commission interdisciplinaire d’experts (1990). Evaluation sur la santé humaine et animale des effets des lignes à haute et très haute tension : rapport de la commission interdisciplinaire d’experts [s.l.]. (Book).

Hendee, WR. & Boteler, JC. (1994). The question of health effects from exposure to electromagnetic fields (see comments): Health Physics, 66 (2), p. 127-136.

Milham, S. (1982). Mortality from leukemia in workers exposed to electrical and magnetic fields (letter) : NEJM., 307 :249.

Moulder, JE., Electromagnetic fields and human health. Power lines and Cancer FAQs., http://www.mcw.edu/radiationoncology/ourdepartment/radiationbiology/Power-Lines-and-Cancer-FAQs.htm (December 4, 2012).

Wertheimer, N. & Leeper, E. (1979). Electrical wiring configurations and childhood cancer : Am J Epidem, 109, p. 273-284.

World Health Organization (2007). Environmental Health Criteria 238 (2007): Extremely Low Frequency (ELF) Fields. WHO, Geneva, Switzerland, ISBN 978-92-4-157238-5

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